Un détenu exposé au covid, puis maltraité au mitard...

Témoignage de la compagne d'un détenu de la Talau :

Mardi 20 avril j’avais rendez vous au parloir avec mon proche à 14h30. J’ai été emmenée dans les box, où j’ai vu tous les détenus arriver sauf mon proche.

Au bout de 20 mn où j’attendais seule en cabine sans aucune explication, on vient me voir pour me dire qu’il ne serait pas possible de le voir.

Je demande des explications et là les deux surveillantes m’expliquent qu’il est en « suspicion covid » à cause de son co-détenu, qui lui, a été testé la veille (le 19 avril), et était en attente de ses résultats.

J’ai donc attendu 20 minutes pour rien, sans la moindre considération, et je n’ai eu d’explication que parce que j’ai manifesté mon mécontentement de manière répétée. Je suis sortie à 15h seulement.

J’ai du repartir chez moi, alors que je m’étais déplacée pour rien, sachant que je ne suis pas véhiculée, que je travaille de nuit, et que l’organisation des parloirs est compliquée pour moi.

Les surveillants étaient au courant de la situation et j’estime qu’ils auraient dû me prévenir en amont.

C’est moi qui ai dû appeler le lendemain matin, pour apprendre que le co détenu de mon proche a été testé positif, et que par conséquent mon proche a été laissé en cellule avec lui et donc exposé inutilement à des risques de contamination, alors que son codétenu présentait les symptômes de la maladie depuis plusieurs jours.

Comment se fait-il que je ne puisse pas toucher mon proche derrière un plexiglas, soit disant pour ne pas « ramener le virus en détention », et que lui on le laisse deux jours dans la même cellule que quelqu’un qui est malade et en attente de résultats de test covid ?

On m’a dit que mon proche allait être testé, et déplacé en isolement.

Je suis ensuite restée sans nouvelles de mon proche, dans un contexte particulièrement anxiogène, et sans comprendre pourquoi celui ci ne me téléphonait pas.

Je savais seulement qu’il a auparavant été pendant plusieurs mois dans une cellule où le téléphone ne fonctionnait pas, et pour pouvoir téléphoner il était obligé de demander aux surveillants de l’emmener dans les coursives, ce qui se faisait à leur bon vouloir, et souvent pas plus de 5mn. Malgré de nombreuses réclamations, la situation n’a jamais été réglée. J’étais donc inquiète, une fois de plus de n’avoir aucune nouvelle de mon proche.

J’ai du attendre de le voir au parloir le jeudi.

Là j’ai découvert mon proche en sang, et dans un état extrêmement inquiétant. Voilà ce qu’il m’a dit.

Mardi en fin d’après midi, des surveillants sont venus le chercher pour l’emmener en isolement. Alors qu’il étaient dans sa cellule, l’un d’eux, Karim, s’est moqué de lui, l’a provoqué et insulté. Devant cette attitude, et vu ce qui c’était passé le jour d’avant, mon proche a refusé de sortir de la cellule. Les surveillants ont alors appelé les ERIS. Ceux ci sont intervenus à plusieurs dans la cellule, ils l’ont plaqué au sol en lui tordant le bras, alors que mon proche a des douleurs chroniques à l’épaule depuis le début de son incarcération.

Il a ensuite été jeté au mitard mercredi matin.

Là, ils l’ont laissé, en sous vêtements et avec seulement un peignoir. Ils ne lui ont pas donné ses cigarettes. Il est resté dans cet état pendant 2 jours, demandant à voir une infirmière ou un médecin, car il souffrait suite à l’intervention des ERIS et ses problèmes à l’épaule, mais en vain. Les surveillants lui ont juste dit « démerde toi avec ça » en lui jetant un doliprane à travers la cellule.

Alors qu’il était absolument désespéré, mon proche s’est auto mutilé, se faisant de grosses entailles sur tout le corps, et même sur le cou. Il a fini par tenter de mettre le feu à la cellule du mitard, déclenchant l’alarme, et l’intervention des surveillants.

Il s’est brûlé lui même au poignet. Un surveillant lui a alors vidé la bonbonne d’extincteur en pleine tête.

C’est après cela que j’ai vu mon proche au parloir. Une surveillante m’a dit qu’ils l’ont laissé accéder au parloir car il était trop mal psychologiquement. C’est seulement 30mn avant mon arrivée que des surveillants lui ont amené ses vêtements. Dans le box du parloir, il était tellement blessé qu’il a laissé des traces de sang. J’ai su qu’il allait passer au prétoire prochainement, pour son refus d’aller en isolement.

Je suis extrêmement choquée par tout ce qui s’est passé. Mon proche a été exposé au covid par négligence. D’ailleurs au vu de tout ce qui s’est passé il n’a même pas été testé lui même.

Il a été insulté, violenté, maltraité. Il a été tellement poussé à bout quand il était au mitard, qu’il aurait pu y mourir. Je refuse d’accepter passivement cette situation.