Lundi 20 septembre, K. Belfodil, surveillant pénitentiaire passe en procès pour avoir tabassé E. , détenu à la maison d’arrêt de la Talaudière, le 22 février, au cours d'une fouille.
E. a eu de nombreux hématomes et blessures, le nez et le larynx fracturé. Il a ensuite été laissé au mitard 24h avant de pouvoir voir un médecin, qui lui a mis 45 jours d'ITT. Il a par la suite porté plainte contre ce surveillant. Voici un aperçu du procès qui avait lieu le 20 septembre au tribunal de Saint Étienne. Le délibéré sera rendu le 1er octobre
* E. est présent et peut prendre la parole.
Le surveillant travaillait au petit quartier, avec les arrivants. E. a été incarcéré une quinzaine de jours avant les faits.
« Quand on arrive, on se retrouve en confinement dans le quartier des arrivants. Pendant une semaine, ce surveillant nous a insultés de tous les noms, moi même et d’autres détenus, et il était connu pour faire ce genre de choses.
Ce jour là, vers midi, comme il fait du rugby, je lui ai dit que son équipe de rugby est la 5ème roue du carrosse, mais je ne l’ai ni menacé, ni insulté.
Puis vers 14h les surveillants viennent pour ouvrir les cellules pour nous emmener en promenade. Et normalement on part tous en même temps. Mais là, sans attendre les autres, il m’a ouvert puis m’a dit d’aller tout seul dans le sas qui est avant la promenade, et là m’a annoncé qu’il allait me fouiller. Habituellement les fouilles ne se font pas là, mais dans les douches. Ce sas est en endroit où il n’y a pas de caméra. Quand il m’a dit « fouille, » j’ai tout de suite compris que c’était par rapport à ce que je lui avais dit le midi.
Il m’a palpé, puis m’a fait une clé autour du cou, m’a mis par terre, et m’a roué de coups. Il m’a dit « moi je fais pas de rugby, je fais de la boxe et je suis de Bellevue, tu vas voir ».
Ma tête était au sol et j’essayais de me protéger pendant qu’il me frappait. Je ne m’attendais pas à ça, pas à me faire frapper par un surveillant. J’ai appelé au secours les autres surveillants.
Je saignais du nez, je sentais mon cœur qui battait très fort ; pendant plus d’une semaine ensuite je n’ai pas pu manger normalement.
Quand les autres surveillants sont arrivés, ils m’ont attrapé et m’ont maintenu la tête en bas vers le sol pour m’amener au mitard. [pour que le visage ne soit pas visible sur les caméras].
J’ai été emmené au mitard sans avoir vu de responsable, soit disant « préventivement », et pour rien, seulement pour les mots que j’avais dit le midi. Je suis arrivé là bas je ne pouvais plus ouvrir l’œil.
Au mitard, j’ai du attendre 24 heures avec mes blessures avant de voir un médecin, et il m’a prescrit 45 jours d’ITT. J’ai eu de nombreux hématomes, hémorragies, le larynx et le nez fracturé, des blessures graves...
Et ensuite j’ai été conduit à l’hôpital où j’ai vu un autre médecin, mais à ce moment mon hématome avait réduit. C’est ensuite mon avocate qui m’a fait sortir du QD et qui s’est inquiétée de mon état.
J’ai signalé les faits, mais vous ne connaissez pas le fonctionnement de la MA la Talaudière…
Quand je suis sorti du mitard, j’ai appris qu’il y a au moins 8 autres détenus qui ont été maltraités par ce surveillant, mais qui n’ont pas porté plainte.
Après j’ai changé de quartier donc je n’ai pas revu ce surveillant. Mais quand ça s’est su que j’avais porté plainte, j’ai eu les surveillants sur moi. J’avais des fouilles pour rien, on me coupait l’électricité à 21h, etc. »
* Un autre détenu a fait un témoignage pour raconter les faits, mais celui-ci n’a pas été lu durant l’audience.
* Après sa formation, ce surveillant a pris son poste directement à la Talaudière, en 2017. Il n’avait pas de poste fixe et effectuait des roulements. Il a depuis été muté, officiellement pour des raisons familiales, à la maison d’arrêt de Riom.
Ce surveillant avait déjà été mis en cause en 2019 dans une autre affaire. Un détenu dit qu’il a essayé de l’étrangler, de lui casser le bras, et lui a donné plusieurs coups. Ce détenu a pris trente jours de mitard. La justice a choisi de ne pas condamner le surveillant pour ces faits.
D’après son avocat, ce surveillant est « très bien noté par sa hiérarchie ».
Le surveillant incriminé, K. Belfodil, va tantôt dire que le détenu avait déjà des marques de coups au visage qui dataient du moment de son incarcération, tantôt qu’il s’est fait ça lui même au mitard… ou qu’il ne s’explique pas comment de telles blessures ont pu apparaître... Il n’a rien à dire concernant les photos des blessures qu’il a vues, ni la plaie derrière l’oreille, ni le larynx fracturé qui pourrait avoir un rapport avec la clé pratiquée...
Il dit également qu’il ne connaît pas les emplacement des caméras de l’établissement et n’était pas au courant qu’il n’y en avait pas dans le sas.
Deux surveillants qui témoignent, Mr FENOIT et Mr ROMAIN, vont dans le sens de leur collègue, disant qu’ils n’ont rien remarqué de particulier au moment de leur intervention.
* L’avocate de E. affirme que ce dossier est l’illustration de ce qu’on appelle l’omerta concernant les violences de surveillants en prison :
C’est parole contre parole, ce qui en justice tournera toujours à l’avantage des surveillants. Il y a comme par hasard une entente entre les surveillants qui racontent tous la même version des faits.
Car ce qui pourrait être la responsabilité d’un seul surveillant s’élargit à l’administration pénitentiaire toute entière : les surveillants qui arrivent dans le sas, voient l’état dans lequel est le détenu, et l’emmènent quand même au mitard en lui maintenant la tête baissée de manière à ce que son visage ne soit pas visible sur les caméras de vidéo surveillance.
Puis là malgré son état extrêmement grave, l’équipe intervenant au QD le prend en charge sans rien dire, et le laisse seul au QD 24 heures sans faire venir de médecin.
C’est encore un jour après, quand a lieu la commissions de discipline, que son avocate voit dans quel état il est, (de nombreux hématomes, une minerve, etc), qu’elle interpelle la directrice présente à la commission sur les raisons de son état. Celle ci reste vague, finissant à contre cœur par dire que si éventuellement il s’estime victime il peut porter plainte.
La commission de discipline se fait d’ailleurs sur la base de 2 comptes rendus d’incidents (dont un est perdu...) qui ont été rédigés après l’agression, affirmant que E. aurait à midi puis à 14h insulté et menacé le surveillant.
* Plusieurs fois, alors que les robes noires font mine de s’étonner de la situation, E. leur répond « mais vous ne savez pas comment ça fonctionne à la Talaudière... »
* Le procureur demande 3 mois de prison avec sursis et deux ans d’interdiction d’exercer pour le surveillant, actuellement en poste en M.A.
Délibéré le 1er octobre
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