MaJ : les 3 accusés ont été condamnés à 18 mois de prison dont 1 an ferme, avec possibilité d'aménagement en bracelet electronique. Un procès au civil aura lieu en avril 2024 pour fixer les dommages et intérêts
Avant que l’audience commence, un petit aperçu de la justice ordinaire. Un détenu comparait en visio conférence. Il apprend par la juge que son avocat ne sera pas présent et a demandé le renvoi de l’audience, ce qui est accepté. Derrière son écran, il entend mal ce qui se passe, et ne comprend pas la situation. Il demande à ce qu’on lui répète les choses, et commence à se défendre. La juge l’interrompt en criant plusieurs fois « Monsieur, Monsieur, ce n’est pas le moment »
Juste après, un autre détenu. Le service des extractions judiciaires, l’ARPEJ ne l’a pas sorti de prison pour l’emmener au tribunal. Et lui refuse d’être jugé en visio conférence. Le procureur se permet de dire qu’il pourrait aussi bien être jugé en son absence, c’est son avocate qui rappelle que comparaître en personne devant les juges est un droit...
Puis arrivent trois jeunes qui sont accusés d’avoir dégradé et incendié la mairie et la police municipale de Rive de Gier, la nuit du 30 juin 2023. Le quatrième, mineur, ne sera pas jugé avec eux.
Il y a deux jeunes de 18 ans, et un de 20 ans, qui n’ont pas d’antécédents judiciaires, vivent chez leurs parents, travaillent ou étudient. Un des avocats demande un renvoi pour faire entre-temps une expertise judiciaire, mais c’est refusé.
Le jugement a lieu environ 15 jours après les gardes à vue (13 et 14 septembre), et l’enquête a été très rapide (et bâclée diront les avocats).
Concernant les dégâts, des poubelles ont été utilisées pour mettre le feu aux bâtiments, et c’est la grille métallique à l’entrée de la police municipale qui a empêché son incendie. On parle de porte et vitres cassés, pans de murs écroulés, câbles électriques brûlés, et de suie éparse.
Les pompiers disent que le feu s’est propagé rapidement aux étage, et que tout aurait pu brûler en 10mn. La mairie sera inutilisable pendant 1 an. Les dégâts pour la mairie sont estimés à 3 millions et 400 000 euros, ( et 7 millions en tout disent-ils) et un procès au civil ultérieur est demandé pour le dédommagement financier. La mairie s’est constituée partie civile et plusieurs de ses représentants sont présents.
Concernant les arrestations, un des jeunes a été interpellé la nuit du 2 juillet pendant les émeutes. Il est accusé d’incendie de voiture et de poubelles ( et d’ailleurs il a été jugé en comparution immédiate pour ces faits, condamné à 10 mois fermes à faire sous bracelet électronique )
Pendant la garde à vue, la police trouve sur son téléphone des vidéos de l’incendie de la mairie de Rive de Gier. Il est interrogé sur ces faits, et son audition amène à la mise en examen de 3 autres personnes.
Les personnes ne sont pas identifiables sur la vidéo, et aucun élément matériel ne les met en cause. Les accusations sont faites uniquement sur la base des auditions.
La juge revient sur les différentes dépositions, parfois contradictoires, faites par les uns et les autres.
« Alors qui a versé l’essence ? Et qui a passé le mortier ? Qui défonce la porte de la mairie ? Pourquoi là vous dites ça et ensuite vous dites que vous vous en souvenez plus ? Racontez nous encore ce qui s’est passé ! »
« Oui là j’ai dit que c’était lui parce qu’il avait avoué que c’était lui »
3 personnes reconnaissent les faits et parlent des actions des autres. Le dernier conteste toutes les accusations (et charge les autres).
« Mais quels sentiments vous ont traversé ? L’anarchie ? La supériorité ? Vouloir en découdre ? »
« Aucun sentiment ne m’a traversé l’esprit pendant les émeutes. Juste vouloir tous se retrouver et tout détruire. »
« Les autres m’accusent parce que je suis le maillon faible » , « les autres m’accusent pour ne pas désigner les vraies personnes car ils ont peur des représailles »
L’ avocat de la mairie et le procureur jouent la carte de l’humanisme.
« La mairie, la république, c’est notre bien à tous ! C’est à vous finalement ! Comment peut on dégrader la mairie alors qu’on a mangé à la cantine ??? D’ailleurs si on voulait pousser plus loin, on pourrait presque contester la dégradation : en effet, on ne peut juridiquement dégrader que le bien d’autrui, alors que là, la mairie, c’est votre bien à vous ! Enfin bon, ce n’est que symbolique », reconnaissent-ils quand même…
Evidemment personne n'entrevoit de lien entre la dégradation des locaux de la police municipale et le fait que les émeutes ont démarré après qu'un jeune ait été tué par la police.
Tous les jeunes expriment de profonds regrets. L’un est allé s’excuser auprès du maire, l’autre a honte car il est ami avec son fils… et celui qui conteste sa participation fournit comme argument principal qu’il passe par ailleurs le concours pour intégrer la police…
Son avocate s’insurge qu’il soit sur la barre des accusés sur le seul fait d’une dénonciation calomnieuse et rappelle que c’est au parquet d’amener la charge de la preuve des accusations formulées. Il était seulement en tant que spectateur aux abords de la mairie, ce que le procureur trouve honteux pour un aspirant policier. « Vous n’avez pas eu à l’esprit de les arrêter ? Vous trouvez cohérent de faire ça puis de vous présenter au concours de police ? »
Le procureur fait une longue tirade en disant que la majorité des émeutiers sont avant tout dans une démarche narcissique, à se pavaner dans les réseaux sociaux, et que tout le monde est au courant de qui à fait quoi, même les parents. Il demande à ce que les jeunes aient une interdiction du territoire sur Rive de Gier, puisqu’ils ne sont pas dignes de vivre dans la commune. ( On pense aux maires qui veulent expulser des logements sociaux les familles des condamnés).
Il demande l’interdiction de port d’arme pendant 2 ans. 2 ans de prison dont 1 ferme sans mandat de dépôt, à aménager avec le JAP, et 1 de sursis pendant 2 ans avec obligation de travail ou de formation, stage de citoyenneté, indemniser les victimes, des TIG à faire à Rive de Gier car "il faut réparer". (mais oui, faire des TIG à Rive de Gier tout en étant interdit de territoire c’est pas mal ça ! )
La première défense consiste à dire que le jeune a déjà été condamné à 10 mois ferme, et qu’il ne faut pas être trop sévère, et trouver une peine tournée vers l’avenir.
La seconde insiste sur les difficultés personnelles du jeune ; et conteste le fait que les 3 soient jugés indifféremment concernant les faits, en disant qu’il faut établir quel fait a conduit à quel dommage.
Il dit que son client a versé de l’essence dans une poubelle à l’extérieur de la mairie, et que 20mn plus tard, alors qu’il était plus loin avec sa mère, la mairie flambait. Or la mairie a pris feu avec les poubelles enflammées à l’intérieur, et donc le lien de causalité n’est pas avéré.
L’inconsistance du dossier est également mentionnée à plusieurs reprises. Il y a eu quelques auditions rapides, et 3 photos extraites des vidéos du téléphone. Pas d’auditions en lien avec les échanges téléphoniques passés pendant la soirée par les différents accusés ; ni d’auditions de personnes nommées dans les auditions. Rien concernant les poubelles, la bouteille d’essence. Le seul ADN trouvé sur le mortier n’a pas été identifié.
L’avocat place quand même qu’il faut être idiot pour détruire son propre bien (cet avocat aime bien traiter ses clients d’idiots, il l’avait déjà fait en juillet). Il demande la relaxe, et même s’il y a une condamnation, pas la prison, car la Talaudière est surpeuplée et régulièrement épinglée par le Conseil d’État.
La troisième concerne l’aspirant policier. Il n’est pas en lien avec les autres, ils se connaissent seulement de vue. Il n’a pas leurs numéros de téléphone, et n’a pas l’application Snapchat, avec laquelle les autres se sont retrouvés. Il n’a pas de vêtements pour se dissimuler. Alors que pendant le procès, juge, procureur et partie civile affirment que si les autres l’ont désigné « spontanément » lors de leur garde à vue comme ayant participé, c’est la preuve qu’il en était, l’avocate reprend le procès verbal d’audition au cours de laquelle il est nommé : il apparaît à la 5éme page sur 8; il n’est pas nommé spontanément, c’est la police qui soumet son nom durant l’interrogatoire. L’avocate qualifie celui qui a accusé son client de « gibier de potence ». Elle demande la relaxe.
La salle était pleine de gens proches venus soutenir les différents accusés. Il y avait beaucoup de presse, qui avait fait les gros titre au sujet de ce procès. Il a été question du mineur, qui sera jugé séparément le 29 novembre.
Le verdict sera rendu le 20 octobre à 13h30, avant les comparutions immédiates.
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